Les intentions du film
La théorie du Boxeur : un film pour quoi faire ?
Depuis plusieurs années, je suis préoccupé par les nombreuses difficultés du monde agricole. Aux difficultés économiques et à la charge de travail viennent s’ajouter les effets du dérèglement climatique qui nous percutent de plein fouet. Certain.e.s abandonnent ce métier sinistré… Et on déplore en moyenne un suicide d’agriculteur.ice tous les jours en France.
Il ne reste que 400 000 agriculteur.ice.s dans notre pays, la moitié des “chef.fe.s d’exploitation” vont passer la main d’ici 10 ans. Combien de jeunes réussiront à s’installer vu la prédation sur les terres agricoles en cours ? L’agriculture à taille humaine que nous connaissons est bel et bien menacée, et le dérèglement climatique est peut-être une opportunité de faire évoluer le système agro-alimentaire. Car oui, l’évolution rapide du climat sous nos latitudes nous pousse à repenser nos pratiques agricoles et alimentaires en profondeur.
Avec ce film, j’ai voulu laisser de côté mes aprioris pour essayer de comprendre comment les agriculteur.ice.s pourraient faire face au mur du dérèglement climatique et comment nous pourrions développer la résilience alimentaire de nos territoires en prévision des chocs à venir.
Sur le terrain, les différents modes d’adaptation sont nombreux : basés sur les infrastructures, les technologies, la génétique, les changements de cultures ou le fonctionnement des écosystèmes, ces différentes directions parlent de nos visions du monde qui souvent s‘opposent.
Si j’ai fait le choix d’aller voir des agriculteur.ice.s en bio et en conventionnel, sur de petites et grandes surfaces, c’est pour nous encourager à questionner nos croyances et faire un pas de côté en prenant en compte la complexité de ces enjeux.
Les espaces pour rencontrer des personnes qui ne sont pas du même “bord” que nous se font rares de nos jours. Les échanges de points de vue en face à face ont laissé la place aux invectives des réseaux sociaux. Les bulles algorithmiques renforcent nos croyances et l’on ne se confronte plus aux avis divergents si ce n’est pour les combattre. Il devient urgent de recréer du lien entre les populations acquises aux idées écologistes et progressistes et les tenants d’une vision plus conservatrice pour continuer à faire société. Pour réaliser les énormes mutations nécessaires, nous aurons besoin d’une masse critique d’agriculteur.ice.s et du soutien des habitant.e.s.
“La Théorie du Boxeur” pourrait servir à ouvrir des espaces d’échange et de discussion entre habitant.e.s, élu.e.s et agriculteur.ice.s qui souvent ne se rencontrent pas.
Si des leviers existent à l’échelle locale comme le montre le film, il est clair que ce qui se passe dans les champs découle des politiques nationales et européennes. Mes rencontres et discussions m’amènent à penser que les responsables de la faillite actuelle du système agro alimentaire ne sont pas tant les agriculteur.ice.s que les lobbies qui pèsent bien trop lourd dans les orientations agricoles et servent leurs intérêts propres. La passivité coupable des gouvernements qui ne prennent pas les questions de souveraineté alimentaire, de biodiversité et de santé publique à bras le corps doit aussi être dénoncée.
Sans des politiques de long terme et volontaristes, il est à craindre que la nécessaire adaptation de nos agricultures se passe avec pertes et fracas. Que faire quand vous perdez deux récoltes de suite pour cause d’aléas et que plus personne ne veut vous assurer ? Un climat devenu imprévisible et qui menace les récoltes pose la limite de la pensée néolibérale où des acteurs économiques “rationnels” font des choix qui équilibrent l’offre et la demande pour le bien de tous.
Le défi colossal est aujourd’hui de continuer à produire de façon viable pour les agriculteur.ice.s, en consommant moins d’énergie tout en régénérant les écosystèmes. L’agriculture a besoin de soutien et de vision à long terme pour évoluer. Elle a aussi besoin de nous tous.tes pour soutenir ces mutations de par nos actes d’achat et nos engagements citoyens. A nous de faire advenir des démocraties alimentaires dans les villes et les territoires ruraux.
Nathanaël Coste